À l’âge de 17 ans, Claudine Cordani a été la première mineure en France d’avoir refusé le huis clos à ses agresseurs. Après avoir été violée et torturée le 2 février en 1984, Cordani se trouve devant un juge pour parler du procès. 

Quand le juge lui dit que le procès sera caché du public, Cordani refuse d’accepter cette décision.

“Non, non, non. Je veux qu’on ouvre les portes. Je veux que tout le monde puisse venir.” – Claudine Cordani
 

Claudine Cordani a actuellement 54 ans et a très récemment publié un livre intitulé La Justice Dans La Peau. Son livre parle de comment elle fait pour surmonter son traumatisme. En outre, le livre contient aussi ses émotions et pensées les plus intimes à propos de ce viol. Bien que le viol ait eu lieu il y a 36 ans, Cordani dit qu’elle vit toujours avec ce cauchemar.

Le Cauchemar

C’est une soirée du 2 février en 1984. On est en plein hiver. Cordani, qui a dix-sept ans, est en train d’aller voir ses amis. Quand elle sort du métro, deux hommes commencent à lui hurler dessus. Les hommes enlèvent Cordani et l’emmènent à leur appartement. Avant même d’arriver à l’appartement, ils la violent et la torturent. 

Après être arrivés à l’appartement, il y a un troisième homme qui leur attend. Il continue d’abuser et violer la jeune Cordani et la laisse inconsciente et battue. Quand Cordani se réveille et se rend compte de ce qui vient de lui arriver, elle s’enfuit de l’appartement. Elle demande à un des voisins de l’information sur les hommes qui l’ont violée. 

Heureusement, elle réussit à acquérir leurs noms. Sans hésitation, Cordani va immédiatement au commissariat pour porter plainte. 

“Je suis arrivée dans un état. . .  j’étais brûlée sur le visage, on m’avait pissé dessus. Enfin, voilà, je dégoulinais d’un truc. . . je dégoulinais d’un viol, d’un truc glauque, quoi. Donc, enfin, je veux dire, ça se voyait.” – Claudine Cordani pour Brut.

Dans un entretien avec Brut., Cordani explique qu’elle avait de la chance d’avoir été traitée avec respect dans le commissariat. Parfois, des victimes de viol peuvent subir un deuxième choc en arrivant au commisariat. Par exemple, les victimes ne peuvent pas être crues ou elles peuvent être maltraitées.

“Oui, j’ai eu de la chance parce que je n’ai pas subi un choc de plus.” – Claudine Cordani

Quelques mois après avoir porté plainte, Cordani se rencontre avec le juge de son procès. Le juge, Jean-Pierre Getti, lui dit que, vu qu’elle était mineure quand le viol a eu lieu, le procès de ses violeurs se tiendra à huis clos. Cela voulait dire que le public n’aurait pas accès au procès. Seulement les personnes intéressées pourraient entrer. 

Cette information a choqué Cordani, qui n’a pas tardé à exprimer sa désapprobation de cette décision. Getti, lui-même, était choqué par la réaction de Cordani et voulait savoir pourquoi elle était contre quelque chose qui, à l’époque, était considérée comme une façon de protéger les victimes.

“Alors je lui dit (au juge) que c’est parce que ce n’est pas à moi d’avoir honte. Pour moi, c’était d’une évidence. C’est pour ça que j’ai jamais eu honte. Enfin, je veux dire, je n’ai jamais ressenti de culpabilité ou de honte parce que ce n’est juste pas à moi d’avoir honte, en fait. Remettons les choses à l’endroit. La honte, ce n’est pas pour les victimes.” – Claudine Cordani pour Brut.

Ce que Cordani essaye de montrer c’est que pour elle, avoir un procès à huis clos était une façon de protéger ses agresseurs. Elle voulait que le public sache ce que ces hommes avaient fait. Elle voulait que leurs réputations souffrent à cause de leurs actions terribles.

De plus, Cordani voulait faire tout pour s’assurer que ces trois hommes ne feraient plus aucun mal à personne. 

Les déclarations et les actions courageuses de Cordani en 1984 sont venues presque trente ans avant le mouvement de #MeToo. En outre, Cordani dit qu’à l’époque, elle ne s’est pas rendue compte de l’impacte féministe de sa décision.

“Je savais en revanche que j’étais féministe depuis mes 12-13 ans, quand lors d’un déjeuner mon père lance à ma mère : ‘Tais-toi, tu es une femme, tu n’as pas le droit à la parole.’ Je me rappelle m’être à cet instant arrêtée de manger. Et m’être dit : ‘Moi, personne ne me fera fermer ma bouche’. C’est mon père, sans le savoir, qui m’a fait devenir féministe.” – Claudine Cordani pour Marie Claire.

Cordani ne veut surtout pas imposer comment les survivants de viol doivent affronter leur traumatisme. En fait, l’histoire de Cordani nous sert comme preuve pour donner plus d’importance aux punitions des agresseurs et pour nous assurer, comme société, que justice soit rendue aux victimes. Elle mentionne qu’il prend du temps pour se reconstruire après une telle épreuve. C’est un cauchemar qui réapparaît régulièrement.

Le livre de Cordani et les entretiens qu’elle a fait aident les survivants d’abus sexuel à gérer leur traumatisme. Cependant, le message de Cordani n’est pas seulement pour ceux et celles qui ont passé par des épreuves pareilles. Son message est surtout un appel à l’action de la part des gouvernements, des systèmes judiciaires et de la société en générale.

Je veux que le viol soit reconnu comme crime contre l’humanité,” Cordani dit à Brut. Moi, je sais que la plupart entre nous, sinon nous tous, sommes complètement d’accord avec ce sentiment.